« Les libertés publiques au péril de nos mœurs », voilà le thème de la conférence tenue le 20 octobre 2021 par François Sureau à la faculté de droit de Toulouse et organisée par la promotion 2020/2021 du Master 2 Droit des Libertés ainsi que ses codirecteurs, Messieurs les professeurs X. Bioy et J. Andriantsimbazovina.
Parrain de la promotion sortante et fervent défenseur des libertés, c’est tout naturellement que François Sureau a accepté de s’exprimer sur le sujet.
Aujourd’hui, le Blog Droit des Libertés, repris par la promotion 2021/2022, retranscrit pour vous les propos tenus par François Sureau lors de cette conférence. Avocat auprès du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, écrivain et membre de l’Académie française, François Sureau a également accepté de répondre à nos questions (à retrouver à la fin de l’article).
« Quand on aime le droit, on a toujours 20 ans »
« Quand on aime le droit, on a toujours 20 ans. Je n’ai jamais cessé d’avoir 20 ans ». La marque du temps ayant laissé intact l’amour que François Sureau porte au droit, l’écrivain témoigne aujourd’hui d’une volonté de passer le flambeau de cet amour du droit et des libertés à la nouvelle génération.
En effet, « sa génération a lâché sur tout ». Elle a participé à l’abaissement des libertés depuis 30 ans ; les partis politiques ont accepté des réductions de libertés, la justice s’est couchée, le Conseil constitutionnel n’a pas examiné les lois relatives à l’Etat d’urgence. Le constat est sans appel : c’est un échec. Sa génération n’a pas été à la hauteur de la tradition des libertés. « Le flambeau des libertés doit donc passer de Jean Denis Bredin », professeur de droit, avocat, écrivain et académicien français, ayant laissé son nom à la défense des libertés publiques, à la nouvelle génération, à « nous ». Dans la salle de conférence, ce « nous » fait écho. « Nous » sommes des étudiants en droit ; certains entament leurs derniers moments sur les bancs de la faculté, d’autres viennent tout juste d’être diplômés, quelques-uns, peut-être, font leurs premiers pas en droit. Mais « nous » avons tous un point commun : nous faisons partie de la nouvelle génération et nous sommes attachés à la défense des libertés. Que l’on soit de droite ou de gauche, pour François Sureau, les libertés constituent une part essentielle de notre héritage national et il convient de le défendre.
Ainsi, à travers cette conférence, F. Sureau alerte sur le déclin de la liberté et dépeint les différentes raisons qui ont conduit à ce basculement.
I. Le déclin de la liberté
Premier témoin du recul des libertés : la rétention de sûreté. Celle-ci permet de maintenir en détention des personnes ayant purgé leur peine mais encore considérées comme dangereuses pour la société. Ainsi, le critère de l’enfermement n’est plus celui de la faute passée mais l’ordre social lui-même, ne pouvant permettre la remise en circulation d’un individu potentiellement dangereux. Le contrôle social prend alors de plus en plus de place. François Sureau rappelle qu’ « on ne peut faire fonctionner une société libre sans faire confiance à l’Homme », idée sur laquelle repose la Déclaration des droits de l’Homme et des citoyens de 1789. A travers la rétention de sûreté, on oublie que « l’Homme est sans cesse capable d’amélioration ». Le gouverné ne doit jamais être intimidé dans l’exercice de sa souveraineté. Il n’est pas possible de garder des personnes en prison après l’expiration de leur peine.
Le délit cognitif illustre également ce processus d’intimidation. Le fait de chercher, pour un citoyen, à s’informer, sans intention de passage à l’acte est répréhensible. A titre d’exemple, le conseil constitutionnel a censuré une disposition qui prévoyait une sanction pénale en cas de consultation d’un site internet destiné au jihad. François Sureau souligne qu’en matière pénale « avant l’acte criminel, avant l’intention dument manifestée, il n’y a rien ». Si l’Etat peut considérer qu’avant cet acte des citoyens sont coupables en raison de ce qu’ils ont lu, de ce qu’ils possèdent ou encore de ce qu’ils ont fait chez eux, alors il y a bien un mécanisme d’intimidation.
Ce mécanisme d’intimidation se poursuit à travers la possibilité de manifester. En effet, dans le cadre des manifestations des gilets jaunes et inquiet des débordements que cela pouvait entraîner, le gouvernement a fait voter des dispositions permettant au parquet de filtrer les personnes allant manifester. Ainsi, le Gouvernement choisit ses manifestants. Il se donne et se voit admettre la possibilité de filtrer les personnes qui manifestent. Là encore, le conseil constitutionnel a flanché. En effet, il a censuré la décision litigieuse au motif que les critères choisis par le gouvernement n’étaient pas les bons ! Il était légitime de s’attendre à une décision de type cour suprême américaine, beaucoup plus protectrice des libertés. Une fois de plus, des mesures sont prévues pour des infractions pénales qui n’ont pas encore été commises.
Enfin, les Etats d’urgence successifs attestent du déclin des libertés. Les garanties de la personne, les droits individuels, sont perçus comme un obstacle à l’efficacité de l’action de l’Etat. A l’ère de la covid19, les libertés publiques (liberté de manifestation, de réunion…) ont été considérablement restreintes afin de ralentir la propagation des cas de Covid19. Par ailleurs, la législation en vigueur n’apparaît pas comme étant adaptée aux menaces les plus graves, ce qui semble surréaliste pour François Sureau. Par exemple, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le sous-préfet s’est vu attribuer un rôle, des compétences, remplaçant alors les magistrats.
Il est pourtant « difficilement envisageable qu’un sous-préfet soit davantage compétent en matière d’anti-terrorisme » et que le recours aux mesures prises par ces autorités par le biais du référé-liberté présente une garantie suffisante des droits et libertés.
Une fois le décor du déclin des libertés dépeint, François Sureau s’attaque aux raisons profondes de celui-ci.
II. Les raisons profondes du déclin de la liberté
Le déni de la réalité apparaît comme le premier motif du recul des libertés. En effet, l’Etat est placé au centre des préoccupations politiques. La fiction selon laquelle il existe une volonté générale équivoque et non contractuelle a été entretenue. La souveraineté a été confiée au peuple, à une souveraineté divisée contre elle-même. En outre, la souveraineté est fictive : des mécanismes sont sans cesse bâtis afin de croire que le peuple gouverne. Il s’agit en réalité de constructions politiques qui mettent en danger la liberté.
Par ailleurs, la normativité est devenue un refuge. A chaque événement, la modification du préambule de la Constitution est proposée. A titre d’exemple, la France est le seul pays européen à modifier son code pénal tous les ans afin de « renforcer la sécurité » mais cela ne sert à rien. En cas d’attentats, la bonne attitude consiste plutôt à « s’interroger sur la réduction du tiers des forces de l’ordre » et non à se réfugier dans la normativité comme un mode d’action. Cela traduit l’impossibilité du gouvernement à répondre à des questions d’ordre pratique.
Une autre raison de ce basculement réside dans la substitution du culte des droits à l’amour des libertés publiques. Les droits politiques sont souvent confondus avec les libertés publiques. Chaque groupe de personne se pense susceptible d’imposer à la société des droits de créance dont l’Etat est le garant. La question des libertés publiques est différente : elle souhaite que tout soit libre à l’intérieur de l’espace national et, tout étant libre (la presse, les associations…), les citoyens désignent des institutions représentatives au sein desquelles ils se querellent afin de faire jaillir une action collective. En outre, la société des libertés publiques a laissé place à la société des droits. La différence de nature entre les droits et les libertés publiques doit conduire à se questionner sur la substitution de l’un à l’autre.
Finalement, il convient de soulever la question de la disparition du mal. En effet, la société, aveuglée par la sécurité, cherche sans cesse à éradiquer le mal. Cette volonté se traduit par une restriction des libertés. Mais que se passe-t-il lorsque le mal résiste ? Pendant longtemps, la religion semblait apporter une réponse à cette question. Aujourd’hui, « nous avons l’impression que le mal est irréductible car nous avons perdu confiance en nous-mêmes » poursuit François Sureau. Pourtant, relève-t-il, de nombreux étrangers souhaitent venir en France afin de vivre dignement.
« Nous avons mis 3 siècles à bâtir cette merveille d’équilibre qui repose sur la confiance en l’Homme ! Nous tendons à l’oublier, ce qui conduit à une crainte de notre système ».
Ainsi, François Sureau conclue sa conférence en démontrant l’existence d’un problème d’équilibre constitutionnel, qui dépasse celui des libertés publiques.
III. L’existence d’un problème d’équilibre institutionnel dépassant le cadre des libertés publiques
Avant toute chose, François Sureau rappelle ce qu’est une constitution. Il s’agit de mécanismes institutionnels « qui doivent, dans le meilleur des cas, coïncider. » (En effet, rappelons le, la constitution, acte juridique suprême de l’Etat, est un ensemble de règles qui déterminent la forme de l’Etat, l’organisation de ses institutions, la dévolution et les conditions d’exercice du pouvoir y compris le respect des droits fondamentaux).Toutefois, ces mécanismes ne coïncident plus. Ils supposent en principe que le Parlement vote la loi et que le gouvernement soit responsable devant le Parlement. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Ainsi, le seul acte démocratique dont nous disposons est l’élection. Cela a pour conséquence de laisser le chef de l’exécutif seul face à un corps social non représenté et insusceptible de s’exprimer. A l’ère de la crise sanitaire, il n’y a pas eu de véritable débat représentatif. Cela entraîne deux choses. Tout d’abord, si le Président de la République souhaite se faire réélire, il lui suffit de se tourner vers le plus simple : la sécurité. Les libertés publiques sont alors susceptibles « d’être amenées à la rivière par ce déséquilibre constitutionnel ». Or, ces libertés n’ont de sens que lorsqu’elles débouchent dans le débat politique par les partis politiques, dans la mise en jeu de la responsabilité et dans le débat parlementaire. Sinon, demande François Sureau, « à quoi bon ? » Les citoyens se délaissent de la politique en estimant que cela ne sert plus à rien. En pratique, ils ont raison puisque l’exercice de ces libertés ne débouchent pas sur un débat représentatif.
Ainsi, le Blog Droit des Libertés, particulièrement intéressé par le thème de la conférence, a souhaité approfondir le sujet en posant quelques question à François Sureau.
Echange avec François Sureau :
1) Chloé Ollivier : Il apparaît aujourd’hui comme nécessaire de s’interroger sur le système de la démocratie représentative. Face à une crise de confiance entre les citoyens français et le personnel politique, illustrée par les récents événements (mouvement des gilets jaunes, absence de réel débat démocratique durant la crise sanitaire, fracture sociale, débat sur la démocratie représentative sous le quinquennat d’Emmanuel Macron), la question de la réformation de ce système est légitime. En effet, on dépeint aujourd’hui une lassitude des Français envers la politique (en témoigne la faible participation aux récentes élections municipales). D’après vous, la mise en place d’une démocratie directe et participative constitue-t-elle une solution convaincante afin de renouer le lien politique et renforcer l’exercice des libertés ? Les outils numériques peuvent-ils permettre de renouveler la démocratie ?
François Sureau : « Partons de la situation actuelle. L’équilibre des pouvoirs imaginé en 1958 a pratiquement été effacé, par l’effet d’un usage contestable et sous l’effet de réformes constitutionnelles très mal conçues, celle de 2008 ayant évidemment été la plus destructrice. Nous avons créé un « principat » de 5 ans, sans contrepouvoirs réels. Les ministres, y compris le premier ministre, qui n’est plus qu’un ministre préposé à la communication et à l’organisation du travail gouvernemental, dans le meilleur des cas, ne sont responsables que devant le président qui lui n’est responsable devant personne. Il n’est donc pas étonnant que les français se sentent dans leur masse « exclus » de la scène démocratique, qui n’a plus de démocratique que l’apparence. D’états d’urgence gérés par l’exécutif à l’abaissement du parlement, nous sommes sortis à bas bruit du système représentatif. Le résultat, c’est le recours à l’émeute ou au juge pénal. J’ajoute que l’impression de dérive est accentuée par le caractère « hors sol » de notre classe politique, qui doit à peu près tout à la faveur et très peu à l’expérience. Comme beaucoup, j’étais favorable à l’interdiction du cumul des mandats. Je m’aperçois maintenant que j’avais tort. Face à cela, je reste pourtant réservé devant la « démocratie directe et participative ». D’abord, parce que rajouter cette rustine a la confusion institutionnelle générale n’arrangera rien. Mais surtout, parce que la politique est un art d’arbitrage, entre contraintes différentes, et que la démocratie directe ne pose jamais qu’une question à la fois, ce qui introduit à un univers irréel, excessif, dogmatique, et pour finir dangereux. Je reste un adepte de la délégation, de la séparation des pouvoirs et du contrôle. »
2) Chloé Ollivier : Lors d’une interview sur France-Inter le 24 septembre 2019, à propos de la loi sur la haine en ligne, vous déclarez que le but n’est pas de « créer une société parfaite dans la crainte du chaos », qu’il nous faut un « encadrement d’une société de l’aventure ». Comment retrouver ce gain de liberté à un moment où la nouvelle génération est confrontée sans cesse au changement climatique, au terrorisme, à la crise sanitaire et aux régimes d’état d’urgence qui s’en suivent ? Avez-vous espoir en l’émancipation de la nouvelle génération, en une génération qui aurait soif de libertés ?
François Sureau : « C’est une question immense. A la fin, je crois vraiment que la liberté est ce qui nous constitue, ce qui nous permet de faire face à tous les défis, changement climatique, terrorisme, pandémie. A condition que le jeu de la liberté ne débouche pas sur le seul culte des droits individuels, tous vaguement solipsistes, mais sur la création de cette espace démocratique où les opinions s’affrontent et ou les solutions se dégagent. C’est un ensemble, qui suppose de ne pas laisser les libertés publiques être rognée sur leurs marges, en ce qui concerne la liberté de penser, de publier, de manifester, sous prétexte de faire le bien du peuple malgré lui ou de préserver un équilibre social déjà fragile. Mais je suis profondément optimiste. Il y a en ce moment une culture de l’étouffoir, du convenable, du contrôle social. Elle est si peu conforme à ce que nous sommes qu’elle ne prévaudra pas. »
3) Chloé Ollivier : Vous avez évoqué, lors de cette conférence, la rétention de sureté. Depuis la loi de Février 2008, poursuivant « la lutte contre la récidive », il est possible de maintenir en détention des personnes ayant purgé leur peine mais encore considérées comme dangereuses pour la société. Il s’agit de personnes condamnées à des peines de plus de 15 ans de réclusion criminelle pour un certain nombre d’infractions très graves. La rétention de sûreté se fonde alors sur une probabilité très élevée de récidive de ces personnes, souffrant d’un trouble grave de la personnalité. En conséquence, cette loi vient supprimer le « lien objectif entre culpabilité et responsabilité, entre infraction et sanction, au profit de la dangerosité, et porte atteinte aux droits fondamentaux du droit pénal français » (Contrôleur des lieux de privation, avis 5 novembre 2015). Vous soulevez ici l’idée « qu’on ne peut faire fonctionner une société libre sans faire confiance à l’Homme ».
Ainsi, pensez-vous qu’il soit nécessaire de révolutionner le système carcéral actuel ? « Croire en l’amélioration de l’Homme » signifie-t-il basculer sur un système centré sur la réinsertion
des détenus afin de prévenir la récidive ? Dans un contexte qui prône la sécurité, comment faire confiance à l’Homme ?
François Sureau : « Vous soulevez là un point essentiel. Au fond, pour savoir, rapidement, en perspective cavalière, ce à quoi « croit » une société, quelles sont les valeurs qui l’animent, il faut regarder d’abord le système fiscal, le système de santé, le système pénitentiaire. Sur ce dernier point, et à bas bruit là encore, nous avons rompu, ou nous sommes en train de rompre, depuis Vingt ou trente ans, avec une idée de la répression fondée sur la responsabilité, pour lui substituer une idée de la répression fondée sur la seule dangerosité sociale. C’est-à-dire avec plus d’un millénaire de justice criminelle, ce qui n’est pas rien. Il y a de nombreuses raisons à cela, la plus profonde étant que notre société est désormais incapable de regarder en face le mystère du mal. Le mal…nous ne croyons plus à notre possibilité, sinon de le comprendre, du moins de le réduire dans le temps. Il nous faut donc l’éradiquer tout de suite : par la rétention de sureté, la déchéance de nationalité, la fin de la présomption d’innocence dans les affaires de mœurs, le lynchage et la censure. La place centrale accordée aux victimes dans le débat criminel manifeste avec évidence cette perte de repères : la victime nous est devenue le seul point d’appui, le seul levier incontestable, a partir duquel reconstruire une répression légitime. Mais cela ne va pas sans grands dangers, évidemment. On voit d’ailleurs assez bien comment le souci absolument exclusif et à priori des victimes, sans considération du reste, c’est-à-dire des modalités d’établissement de la qualité de victime ou de respect du principe d’incertitude quant aux coupables, ce qu’on appelle la présomption d’innocence, est très souvent mis en avant par les tenants des doctrines les plus autoritaires, les plus disposés à faire absolument prévaloir les intérêts de l’Etat sur les intérêts de la collectivité des citoyens. On voit assez peu combien un Etat largement délégitimé, par son incapacité à se réformer, par l’option de communication, mais aussi par la mondialisation ou la concurrence des formes infra ou supra étatiques, trouve dans la philosophie victimaire un moyen de se « refaire la cerise » et de justifier l’extension indéfinie de ses pouvoirs et de ses moyens. Mais là encore, je crois que tout cela n’aura qu’un temps, tant la confiance a priori dans l’homme est profonde chez nous malgré ces errements dont notre histoire porte largement la trace. »
4) Chloé Ollivier : Quel regard porte l’écrivain que vous êtes sur la situation actuelle en France ? La littérature et la poésie peuvent-elles constituer des remèdes en ces temps de crise, un rempart face aux mesures liberticides ? Avez-vous des lectures à conseiller à tous ceux qui souhaitent prendre du recul sur la situation, forger leur esprit critique ou tout simplement s’évader le temps d’une promenade littéraire ?
François Sureau : « Ah mais ni la poésie ni la littérature ne sont heureusement des remèdes. Tesson disait je crois qu’on ne rentre pas dans une librairie comme on rentre dans une pharmacie, et c’est heureux. La littérature nous rend la vraie dimension du monde, sans cesse réduite, affectée, par la vie sociale ou les luttes politiques. Et même par ces « opinions » que chacun de nous se forme et dont Orwell a parlé en termes sans appel…nos misérables petites orthodoxies…. Elle nous la rend, si je puis dire, par le bas et par le haut. Par le bas, ou nous aidant à voir le réel. Vous voulez comprendre la presse d’aujourd’hui, lisez les illusions perdues. Par le haut, en réenchantant le monde, du Graal au Grand Meaulnes. On aurait bien tort de s’en priver ! je n’ai pas vraiment de conseils à donner. D’autant que chaque âge a ses lectures. Très peu de livres m’ont accompagné au cours du temps : robinson Crusoé, le comte de monte Christo, Apollinaire. Bon voyage… »
5) Chloé Ollivier : Enfin, de manière générale, quel(s) conseil(s) donneriez-vous aujourd’hui à un étudiant en droit, attaché à la défense des libertés ?
François Sureau : « Je n’en aurai qu’un, parce que j’ai mis du temps à me le donner à moi-même. Lorsqu’on est attaché à la défense des libertés, on se fabrique assez vite l’idée du citoyen innocent face à l’Etat coupable. On se pose en protestataire, en militant. Il faut agir, bien sûr, mais ne pas être dupe. Dans un pays démocratique, il n’y a d’atteinte durable aux libertés que si une large part, peut-être la majorité du peuple, le souhaite. C’est sur ce souhait qu’il faut s’interroger. C’est ce souhait qu’il faut travailler à rectifier en montrant à chaque fois les avantages de la liberté. Sans quoi, on se donne bonne opinion de soi-même, en posant a peu de frais au Hugo, au Mandela, mais on n’obtiendra rien qui vaille.
Par Chloé Ollivier